Général

À quoi ressemble l'avenir du monde du travail après la pandémie Corona ?

De façon générale, l’intensification du télétravail depuis le mois de mars 2020 semble avoir été bien vécue par la majorité des salariés, au point que certaines entreprises envisagent de conserver à l’avenir une partie de leurs salariés à la maison afin de réduire leurs coûts immobiliers, voire certaines à devenir complètement virtuelles. Toutefois, cette décision ne serait pas sans conséquence, et l’on peut se demander à quoi ressemblera le futur du bureau dans un monde post-Covid.

Pour tenter d’esquisser une réponse, la Chaire Workplace Management de l’ESSEC Business School, a mené une étude qui évalue d’ores et déjà l’impact de la crise sanitaire et de l’expérience du télétravail sur les attentes de 2.643 employés de bureau par rapport à leur espace de travail.

En voici les principaux enseignements.

Du télétravail subi au télétravail souhaité

En ce qui concerne les pratiques du télétravail de notre population étudiée et sur la période qui précède le premier confinement du printemps, seulement 19% de l’ensemble de nos répondants avaient l’habitude de faire du télétravail.

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En septembre 2020, quatre mois après la fin du premier confinement, 37% des répondants poursuivaient encore l’expérience de télétravail (graphique 1), essentiellement à raison de deux fois par semaine (32% d’entre eux) ; en comparaison, 21 % tous les jours ouvrables, 18% à un rythme d’une fois par semaine et 17% de trois fois par semaine (graphique 2).

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Tout d’abord subi et imposé, le télétravail fait à présent partie de la vie professionnelle de la plupart des salariés, qui pour près des trois quarts de nos répondants (73%) souhaitent poursuivre cette expérience à l’avenir dans un monde post-Covid, notamment à raison principalement de deux jours par semaine (31% des répondants) et de trois fois par semaine (23%).

Ainsi, bien que le télétravail ait été imposé par la crise sanitaire et le premier confinement, le souhait de poursuivre l’expérience du télétravail est partagé par la majorité des répondants participant à notre étude. Cependant, nos analyses montrent des différences statistiquement significatives (Test z différence de proportions) en ce qui concerne les générations d’âge, les catégories socioprofessionnelles et la localisation du lieu de travail.

  • Le télétravail post-Covid est davantage plébiscité par les milléniaux (personnes nées entre 1978 et 1994). Ils sont 79% à vouloir télétravailler dans l’avenir, contre 68% pour la génération Z plus jeune (nées après 1995), 67% pour les baby-boomers (nées entre 1945 et 1964) et 72% pour ceux de la génération X (entre 1965 et 1977).
  • Le télétravail est également davantage retenu par les cadres et cadres dirigeants. Ainsi, 85% des cadres et 82% des cadres dirigeants veulent continuer à télétravailler contre 67% des employés (alors que la moyenne globale est de 73% des répondants).
  • Enfin, l’envie de poursuivre le télétravail dans le futur concerne principalement les salariés des entreprises localisées en région Île-de-France (tableau 1).

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Les comparaisons sont statistiquement significatives notamment entre les salariés de la région parisienne et ceux des grandes métropoles, des villes moyennes et des petites villes. En effet, 83% des salariés franciliens souhaitent télétravailler tandis que cette proportion ne concerne que 70% des salariés en ville moyenne, et 64% dans les petites villes.

Le bureau idéal post-confinement

Post-confinement, le télétravail choisi et non plus subi va-t-il transformer l’immeuble de bureau ? Allons-nous continuer à aller au bureau pour y travailler ?

Notre enquête portant sur les types d’espaces de travail les plus adaptés aux besoins post-confinement des salariés montre clairement l’intérêt soutenu pour les espaces traditionnels de bureau, avec postes de travail attribués. Ces espaces représentent 73% des demandes exprimées : les bureaux fermés (individuels et partagés) sont considérés comme l’espace de travail idéal pour 61% des individus, devant le bureau en open space qui a 12% de préférence (graphique 3).

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Le flex office et les espaces de coworking, quant à eux, ne représentent que 6 % des espaces choisis par les salariés. Ici encore des différences statistiques significatives sont observées entre les populations étudiées. Contrairement aux idées largement répandues, ces derniers espaces sans poste de travail attribué sont essentiellement recherchés par les travailleurs indépendants et les cadres dirigeants.

Il est évident que malgré une expérience du télétravail plutôt positive pour la majorité des employés de bureau participant à notre étude – avec une autonomie et une liberté particulièrement appréciée – le bureau reste le lieu de travail privilégié de l’ensemble des répondants.

Lors des analyses qualitatives de notre enquête, nous avons pu constater les mentions récurrentes au lien social du bureau telles que le besoin de se voir et d’interagir les uns avec les autres avec des éléments de communication non verbale, ainsi que la capacité du bureau à stimuler les communications informelles spontanées entre les employés.

Ce type d’interactions face à face non planifiées contribuent largement à l’établissement de relations interpersonnelles, de confiance et de collaboration entre collègues. Enfin, le fait d’aller au bureau permet pour la plupart d’entre eux de matérialiser la frontière entre vie privée et vie professionnelle, qui disparaît dans le cadre du télétravail.

En conséquence, on observe une forte envie de passer la plupart du temps de travail en entreprise. En moyenne, les répondants souhaitent passer 55% de leurs activités professionnelles au bureau, puis 37% à domicile (en télétravail), 6% dans un tiers lieu et 2% dans d’autres types de lieux (cafés, locaux des clients, etc.).

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Incontestablement, le bureau a encore un très bel avenir, une fois les contraintes de confinement terminées. Pour les répondants de l’étude, c’est un lieu qui permet au salarié de participer à la vie de l’entreprise (27% des mentions), un lieu de rencontre, d’échange et de convivialité (26% des mentions) et enfin, un lieu de travail régulier (26% des mentions) (graphique 4).

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(*) Par Ingrid Nappi, Professeur, titulaire de la Chaire « Immobilier & Développement Durable » et de la Chaire « Workplace Management », ESSEC et Gisele de Campos Ribeiro Ingénieure de recherche, la Chaire « Workplace Management », ESSEC.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.